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Théâtre de la Bastille

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A little more blue.


02 nov > 12 nov

C'est la musique engagée la plus sexy au monde.

Hors abonnement, tarif unique 15 euros.

Maria de Medeiros // Arthur Nauzyciel.

A little more blue.

Un projet de Maria de Medeiros. Avec Maria de Medeiros, Jeff Cohen (piano), Joël Grare (percussions). Avec la complicité artistique d'Arthur Nauzyciel


Maria de Medeiros ne tarit pas d'éloge quand la chanson brésilienne vient sur le tapis. �C'est la musique engagée la plus sexy au monde�, s'enthousiasme-t-elle en connaisseuse. En France, quand on parle de musique brésilienne, on pense d'abord samba, bossa nova, carnaval, etc. On entend des rythmes suaves ou trépidants, on pense sensualité, paillettes, corps qui ondulent, fête, joie, ivresse. Autrement dit, une poignée de clichés, d'ailleurs pas tout à fait faux, transportés de ce côté de l'Atlantique par les images du carnaval de Rio. Sensible à l'exotisme, on oublie que ces chansons ne sauraient se résumer à des slogans pour dépliants touristiques. Séduit par la musique, ignorant pour la majorité d'entre nous la langue portugaise, on n'imagine même pas que les paroles de ces chansons puissent être tout sauf anodines. �La plupart du temps, les versions françaises n'ont plus grand chose à voir avec l'original, remarque à ce propos Maria de Medeiros. Il suffit de prendre l'exemple de Que sera, le tube archi connu de Chico Buarque, dans la version qu'en a donnée Claude Nougaro, les paroles ont perdu leur force poétique, sans parler des allusions politiques du texte original qui était écrit en langage codé mais aisément déchiffrable bien sûr�.
Alors, avec la complicité du metteur en scène Arthur Nauzyciel, la comédienne s'est dit que ce serait une belle idée de donner à entendre aussi le sens de ces couplets parfois très connus du grand public. Ils n'envisagent certes pas de présenter aux spectateurs un cours magistral avec interprétation de textes et interro écrite à la clé. Loin de là même, puisque le spectacle consiste bel et bien en un récital où elle chante accompagnée par deux musiciens, Jeff Cohen et Joël Grare. Mais Maria de Medeiros s'est souvenue que tous ces airs avaient joué un rôle important dans sa vie quand elle était jeune fille. �Enfant, je ne connaissais pas le Brésil où je n'étais jamais allée. Nous vivions en Autriche avec mes parents, puis nous sommes retournés au Portugal, c'était pendant la Révolution des oeillets.� Assoupi depuis des décennies, le pays est en fête ; un vent de liberté souffle dans les rues avec la fin de plus de quarante ans de dictature sous le régime de Salazar. C'est donc un Portugal en pleine euphorie que découvre Maria de Medeiros. Mais quel rapport avec la musique brésilienne, se demandera-t-on ? �Une des choses formidables de cette époque, c'était que nous étions bercés par ces chansons qui venaient de loin, mais qui nous parlaient tant. C'était comme des messages qui nous arrivaient du Brésil.� Et c'est d'autant plus vrai que de l'autre côté de l'océan, l'heure n'est pas à la fête. Après l'explosion du mouvement tropicaliste emmené par Caetano Veloso et Gilberto Gil à la fin des années 1960, le pouvoir a choisi d'imposer le silence à cette jeunesse hirsute qui mélangeait les genres musicaux s'inspirant des Beatles et du rock et qui s'exprimait un peu trop ouvertement dans ses chansons. Pour échapper à la prison, Veloso et Gil s'exileront en Grande-Bretagne, tandis que Chico Buarque observant d'un oeil mélancolique les événements qui se déroulent alors au Portugal, rêve à voix haute en chantant : �J'aimerais être de ta fête�. C'est que, dans un Portugal en ébullition, la musique populaire brésilienne trouvait un écho aussi profond qu'inattendu. �Nous étions en pleine révolution politique, mais aussi sexuelle et, dans ce contexte, ces chansons engagées nous accompagnaient. Un échange vibrant s'est instauré avec le Brésil. C'était fusionnel, presque. Nous étions fascinés par leur musique et eux par notre révolution. Malheureusement, ces liens très forts se sont relâchés par la suite. Mais c'est quelque chose qui a profondément marqué les gens de ma génération car ces chansons nous ont beaucoup aidés en nous apprenant à être lucides sur les événements que nous vivions au présent, sur l'époque. C'est tout ça que j'aimerais transmettre dans le spectacle. Car je crois qu'aujourd'hui encore ces chansons nous parlent. D'autant que, les années passant, des artistes comme Caetano Veloso, Gilberto Gil ou Chico Buarque, par exemple, n'ont rien perdu de leur talent. Non seulement leurs morceaux de l'époque ont tenu le coup, mais eux-mêmes écrivent et composent toujours avec la même pertinence des chansons qui sont en prise avec l'actualité et la société. Ils n'ont jamais été considérés comme des dinosaures. Il y a une continuité et même une solidarité entre les générations. La présence de Gilberto Gil au poste de ministre de la culture du gouvernement de Lula témoigne justement de cette importance qu'ils ont eue et ont encore pour la société.�
C'est donc une certaine approche du Brésil, de sa musique et de ses auteurs que propose Maria de Medeiros avec ce spectacle. Un cheminement personnel, un parcours de mémoire. �Assez vite, on s'est dit que cela ne serait pas un cabaret, ni même un récital au sens courant du terme, nous dit Arthur Nauzyciel. Pas question non plus de proposer un best of tropicaliste. Il s'agit plutôt d'une rencontre autour de ces chansons pour les faire entendre dans toutes leurs dimensions, c'est-à-dire à la fois politique et poétique. C'est pour cette raison qu'il nous est apparu que l'espace du théâtre, plutôt qu'une salle de concert, était ce qui correspondait le mieux à ce que nous cherchions.�
Curieusement, c'est relativement tard que Maria de Medeiros s'est rendue au Brésil à l'occasion de la tournée du spectacle Elvire Jouvet 40. Elle y retournera plusieurs fois, notamment pour tourner un film. �Ce qui est amusant, c'est que dans ce film, je jouais une Française, puisque j'y interprétais le personnage de Sarah Bernhardt. La France au Brésil a une très bonne image. Ce fut d'ailleurs une terre d'exil pour beaucoup de Brésiliens.� Elle a choisi de faire entendre dans la langue de Molière les textes des chansons qu'elle a elle-même traduites. �Ce sont des langues très proches et il y a peu de déperdition dans la traduction. Mais je chanterai, bien sûr, en portugais tout en conservant l'accent brésilien car c'est la musicalité qui prime. Simplement, on alterne, on passe du chant à la parole, à l'évocation.�
Alors, évidemment, on se dit : encore une comédienne qui chante. �Pour moi, le chant correspond à un prolongement de la poésie. Je pense que tous les acteurs ont une fascination pour le texte chanté�, observe Maria de Medeiros qui n'en est pas d'ailleurs à sa première expérience dans ce domaine. On a déjà pu l'entendre dans des récitals avec Misia, notamment. Et aussi dans Zazou, le spectacle de Jérôme Savary ou, plus récemment, dans le film The Saddest Music in the World de Guy Maddin. �Pour ma part, je pense que si les comédiens sont attirés comme ça par le chant, c'est sans doute parce que cela correspond à une façon différente de se confronter au public. C'est l'idée d'être sur scène, mais dans un rapport autre. Ici, l'enjeu, c'est de trouver le lien entre le travail d'actrice et la partition de chanteuse. Comment on passe de l'un à l'autre, quel type de voix, quel type de regard�, analyse Arthur Nauzyciel.
Maria de Medeiros, qui a déjà joué au Théâtre de la Bastille en 1990 dans La Mort du Prince de Fernando Pessoa, aime les aventures qui sortent de l'ordinaire. Mettant à profit son expérience comme membre du jury de la Caméra d'or au festival de Cannes où, pour la première fois, elle se retrouvait dans la position du critique, elle a réalisé en 2004 un documentaire intitulé Je t'aime, moi non plus sur les rapports entre les artistes et la critique. �Je posais la question : comment reçoit-on une oeuvre d'art ? Il y a eu mille réponses. Je les ai toutes gardées. J'aime quand les idées circulent. C'est ce qui me plaît chez les chanteurs brésiliens, par exemple, qui n'hésitent pas à reprendre une chanson de l'un ou de l'autre. Et puis le fait que Caetano voulait être cinéaste, que Chico Buarque soit aussi romancier, tout cela me plaît. J'aime bien les choses hybrides. J'aime bien explorer les frontières, l'inconnu, ce qui n'est pas encore bien défini.�

Production Compagnie 41751/Arthur Nauzyciel et CDDB-Théâtre de Lorient. Avec le soutien du Ministère de la culture et de la communication-DRAC de Bretagne. Réalisation Théâtre de la Bastille.