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Théâtre de la Bastille

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Je porte malheur aux femmes, mais je ne porte pas bonheur aux chiens.


Lundi 30 oct et Vendredi 01 dec

>�Dans ma solitude houleuse, attentif à tout ce qui vit... Le temps, l'espace sont des loups� Joë Bousquet.

Le Théâtre de la Bastille et le Festival d'Automne à Paris présentent

Joë Bousquet // Bruno Geslin.

Je porte malheur aux femmes, mais je ne porte pas bonheur aux chiens.

Textes de Joë Bousquet. Mise en scène, adaptation et images de Bruno Geslin. Avec Denis Lavant, Jean-François Auguste et Kathleen Reynolds. Violoncelle Emmanuelle Piettre. Assistanat à la mise en scène Elsa Chausson. Collaboration artistique Jean-François Auguste. Collaboration à la mise en scène Elise Vigier. Scénographie Marc Lainé et Stephan Zimmerli. Stagiaire scénographie Marion Roustit. Composition musicale Teddy Degouys et Emmanuelle Piettre. Création corps et animaux Anne Leray. Chorégraphie claquettes Victor Cuno. Création costumes Marie Berte et Laure Mahéo. Apparitions vidéo Emilie Beauvais et Carla Gagliardi. Collaboration images Clément Mratin. Habilleuses Laure Mahéo et Sophie Hampe. Régisseur général Patrick Le Joncourt. Régisseur bastille Véronique Bost et Bruno Moinard.

Confiné dans sa chambre, un homme tente de se reconstituer le monde qui lui a été enlevé. Les rideaux tirés ne laissent filtrer que très peu de lumière. Seul la plupart du temps, il reçoit cependant à heures régulières des visiteurs. Sa sensibilité est extrême. �Dans ma solitude houleuse, attentif à tout ce qui vit... Le temps, l'espace sont des loups�, note-t-il dans son journal. Il sait que sa vie est unique, incomparable, et ce depuis ce jour du 27 mai 1918 où, lors d'un combat, une balle allemande lui a sectionné la moelle épinière et perforé les poumons. Il avait vingt-et-un ans. Commence alors pour ce jeune homme paralysé des pieds à la taille une existence immobile. Tel fut le destin de Joë Bousquet, poète, ami de Paul Eluard, André Gide, Jean Paulhan... Dans sa chambre de la rue de Verdun à Carcassonne, où se déroulera pratiquement tout le reste de son existence, des tableaux de Max Ernst, Magritte, Hans Bellmer nourrissent son imagination.
Le metteur en scène Bruno Geslin aime les personnalités hors du commun. Après les fantaisies débridées du sulfureux Pierre Molinier remarquablement transposées dans Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée..., il aborde aujourd'hui un autre continent noir en s'intéressant, cette fois, à l'oeuvre et à la vie de Joë Bousquet. �Chez lui, vie et oeuvre sont intimement mêlées, explique-t-il. C'est à partir de cette marque initiale de sa blessure que, mis à l'écart de toute vie normale, il va projeter par le jeu de l'écriture une autre vie proche du rêve. Car Bousquet n'a jamais cessé d'explorer cette zone limite entre le sommeil et la veille, le conscient et l'inconscient, la réalité et l'imaginaire�.

Les livres de Joë Bousquet témoignent d'une intériorité incandescente
L'enjeu, dans cette affaire de toute une vie, dépasse le simple projet littéraire. Les livres de Joë Bousquet témoignent, en effet, d'une intériorité intense, voire incandescente. Une tension extrême animée par une volonté farouche de connaître et de croître en soi-même à travers les mots. De se réconcilier avec le monde aussi. �J'ai cru que mes paroles pouvaient refaire au grand jour l'union de mon être et de ce que j'aimais. J'ai voulu habiter mes paroles, creuser dans mon amour un lit pour ces membres perclus, pour ma poitrine de malade�, écrit-il dans Traduit du silence. Comme si au corps qui fait défaut, les mots devaient offrir l'hospitalité. L'oeuvre de Bousquet prend ainsi la forme d'un dispositif ou d'une quête. Des éclairs de lumière traversent la nuit. L'amour transporte et illumine. Et c'est souvent de la nudité du corps féminin que, dans un vertige, jaillit ce flux lumineux à travers la vision qui le dévoile. �Un corps où il semble que le regard ouvre les ailes de la nudité�, écrit Joë Bousquet. Cette vision enflammée reprise en un mouvement inlassable est au coeur du Cahier noir, ouvrage posthume où, en secret, Bousquet lâche la bride à ses fulgurances luxurieuses.
Dans l'accumulation de scènes voluptueuses, non exemptes de violence, de cruauté, c'est un défilé outrageux, fascinant, où le sexe se fait initiation. C'est ce Cahier noir qui est au centre du spectacle imaginé par Bruno Geslin, même si le metteur en scène s'appuie sur l'ensemble de l'oeuvre de Joë Bousquet. �Tout cela doit être envisagé sous la perspective d'un homme qui est invalide. Son rapport à la sexualité passe par le regard. Surtout, il faut se garder de tout malentendu sur la violence de ces scènes en ayant à l'esprit que, dans son imagination, c'est le seul moyen d'atteindre le corps d'une femme en transcendant sa propre blessure. D'ailleurs, le statut est infiniment trouble chez Joë Bousquet, car il est toujours susceptible de devenir la jeune femme qu'il est en train de fesser. Enfin, il ne faut pas réduire ces scènes à du fétichisme, mais songer plutôt à une ouverture : comment un homme reconstruit, par la force de son esprit, un peu d'érotisme et de sexualité. Bousquet écrit à partir de cet événement initial, sa blessure, qui l'a mis à l'écart de la vie ordinaire. C'est un chemin de connaissance, une plongée à l'intérieur de soi-même où sommeillent des forces obscures. Dans ses écrits, Bousquet fait souvent référence à un personnage qu'il désigne comme son frère d'ombre, un double à la jeunesse inaltérable et virile qui se manifeste souvent après plusieurs prises d'opium auquel il avait recours pour apaiser ses souffrances.� C'est le comédien Jean-François Auguste qui assumera ce personnage onirique. Quant à la figure du poète, elle a été confiée à Denis Lavant. �La seule raison de porter ces textes à la scène, c'était que Denis Lavant le fasse. C'est une parole tellement dense, à la fois lyrique, érotique et violente qu'il fallait pour cela un athlète des mots.�

L'univers de la forêt, lieu archaïque du désir
L'espace scénique reconstitue la chambre de Joë Bousquet telle qu'on peut la visiter aujourd'hui encore à Carcassonne. Mais c'est un espace envahi de visions, comme ces images de forêts qui reviennent à de nombreuses reprises dans les écrits du poète. Bruno Geslin a ainsi filmé des scènes dans des bois avec des comédiennes. �J'aime beaucoup travailler en dehors des lieux du théâtre, on peut explorer sans contraintes. Nous avons tourné des images sous-marines dans des lacs. Je voulais aussi travailler sur l'univers de la forêt, lieu archaïque du désir, des pulsions, pour retrouver l'aspect animal, les sensations, les odeurs, la terre humide, se griffer avec des ronces, s'enfoncer dans la vase. Il s'agissait de créer une base de construction mentale, de rêveries. C'est au-delà ou en deçà des mots, de l'ordre de la sensualité.�

Un rapport électrique où rien ne nous échappe.
Bruno Geslin est arrivé relativement tard au théâtre. À l'origine, il voulait être cinéaste, mais sa rencontre avec le collectif du Théâtre des Lucioles l'a amené à s'intéresser à la scène. D'abord en créant des images pour des spectacles de Pierre Maillet et Marcial Di Fonzo Bo. Puis en se lançant à son tour dans l'aventure avec Mes jambes, si vous saviez, quelle fumée... Entre temps, il aura tourné un moyen-métrage, La Mort d'une voiture, avec la comédienne Elise Vigier. �Grâce aux Lucioles, j'ai découvert que l'on pouvait faire du théâtre autrement. Le théâtre et le cinéma correspondent à deux principes narratifs différents, même s'il y a quand même une similitude entre les deux. Que ce soit sur un plateau de théâtre ou sur un plateau de cinéma, on est à chaque fois
dans un rapport d'attention et de perception extrême, un rapport électrique où rien ne nous échappe. C'est quelque chose de fascinant.�


Coproduction Théâtre de la Bastille - Théâtre de l'Agora/Scène nationale d'Evry et de l'Essonne dans le cadre des résidences de création soutenues par la Région Ile-de-France, Festival d'Automne à Paris, Théâtre national de Bretagne/Rennes, Dieppe-Scène nationale, Théâtre de Nîmes, Théâtre national Bordeaux-Aquitaine, Grand Théâtre de la Ville du Luxembourg. Producteur délégué Théâtre de la Bastille. Remerciements à M. René Piniès du Centre Joë Bousquet à Carcassonne.